vendredi 8 juillet 2016

"Tomber sept fois, se relever huit" (Philippe Labro, éd. Albin Michel, 2003) - 3




"Définis ta douleur. Cela se passe où ? Dans le ventre ? Oui, c'est ça, c'est là, dans le creux du corps, au milieu de moi comme une vrille, ça tourne et tournoie, ça n'arrête pas de tournebouler comme les centrifugeuses dans les machines, comme une bétonnière qui broie sable et chaux et eau pour en faire du ciment. [...]

Il y a une grande cuve tournante, on y jette du mortier, du sable, du ciment, de l'eau, du gravier, et ça remue et ça tournoie. Voilà, c'est une centrifugeuse - "appareil permettant de soumettre des corps à une rotation très rapide pendant des intervalles de temps variables".  Dans le cas qui m'occupe, la rotation n'est pas rapide, c'est lent mais inarrêtable, et les substances qui se séparent ne sont rien d'autre que ma volonté et mon désir. Elles éclatent.

Gravier, ciment, rat qui vous grignote, qu'importe l'image ou la comparaison : ça fait mal, ça fait souffrir, c'est physique une angoisse, ça n'est pas simplement des pensées négatives, cela se passe, là, au centre de vous. Si seulement ça pouvait s'arrêter ! Si seulement ça pouvait se reposer, cette bête ou cette machine, si seulement ça observait des arrêts de travail. Celui qui n'a pas connu ça ne peut absolument pas comprendre." (p.45-49)